22 juin 2018

Métacognition


Extrait du livre de Jonathan Rowson : Chess for zebras. Difficile de prévoir le profit retiré d’un tel livre (et encore moins de cet article) qui variera beaucoup d’un joueur à un autre. Et donc ici pas de méthodes ni de théorie échiquéenne. Que du vent ! À nous de développer notre voilure ou de nous faire greffer des ailes. Ok, et comment ? "Accroche toi à tes bretelles Dr Jones ! "

1ère question : Pourquoi est-il si difficile de s'améliorer ?

Rowson part de la comptine enfantine "il y a un trou dans mon seau, chère Liza" où, pour faire court, Henry, pour boucher un trou dans son seau a besoin de paille, pour cela il a une hache pour couper la paille, une pierre pour affûter sa hache, mais la pierre est trop sèche pour cela, et Liza lui suggère d'aller puiser de l'eau avec son seau pour mouiller la pierre, or il y a un trou dans le seau … On arrive à une espèce de situation "catch-22" où le problème peut être résolu uniquement s'il n'existe pas.

Que faire quand vous pensez qu'il y a un trou dans votre seau ? L'eau est la connaissance que nous cherchons, et le trou dans le seau représente les problèmes que nous avons à la trouver. La capacité d'Henry à transporter de l'eau ( = notre capacité à absorber et comprendre de nouvelles idées) est limité par la capacité de son seau ( = nos ressources cognitives.) Vous pouvez avoir accès à des sources jaillissantes ( = les meilleurs livres, logiciels, professeurs) mais être incapables de retenir de l'eau dans le seau (= ce que vous apprendrez sera lourdement influencé par vos "instruments" cognitifs comme la mémoire, les émotions, la raison, le langage, la perception et le système nerveux.) Cependant, le procédé laborieux suggéré par Liza à Henry, et le fait que le trou n'est jamais bouché, suggèrent qu'Henry et Liza ne cherchent pas dans la bonne direction. Nos esprits on des "trous" dans le sens qu'ils sont limités, mais le problème auquel la chanson fait allusion est plus profond. La raison pour laquelle nos esprits ne peuvent être "remplis", n'est pas parce qu'ils ont des "trous" mais parce qu'ils ne sont pas du tout comme des seaux.

2ème question : Comment améliorer sa capacité à s'améliorer ? 
Quelles sortes d'attitudes mentales sont nécessaires pour trouver de bons coups dans les différentes phases de la partie. Nous construisons notre compréhension des positions en nous servant de ce que nous avons, bien qu'imparfait, pour faire sens avec ce qui nous est donné. Le hic c'est que nous ne voyons pas ce filtre, parce que nous voyons à travers lui. Rowson dit par exemple que nos attachements à certaines structures, ouvertures, style de jeu, sont un filtre limitant pour le nouveau matériel que nous essayons d'assimiler. Nous ne pouvons pas changer notre "logiciel" mais avons la capacité de métacognition. Ça peut être dommageable pendant les parties et nous distraire de l'objectif compétitif mais être très utile entre les parties. Ce n'est pas naturel de "désapprendre" car il est normal de vouloir faire sens avec ce que l'on sait déjà, de mettre de l'ordre dans le chaos, avec des règles, des catégories et des arguments. Mais le real thinking EST difficile : regarder les positions sur l'échiquier sans se précipiter sur un jugement sur ce qui est en train de se passer, où penser n'implique pas de suivre des "recettes" mais plutôt de suivre aussi loin que possible, la logique de la position en face de soi. Ce qui est carrément non-trivial, peut-être même impossible, mais doit être tenter pour quiconque essaie de s'améliorer.

Beaucoup de joueurs "travaillent" les échecs comme s'ils travaillaient sur un sujet académique. S'améliorer aux échecs s'apparente plus à améliorer sa conduite automobile ou son jeu sur un instrument de musique, que de se préparer à un examen. Un tel apprentissage peut-être dirigé et supervisé mais pas directement enseigné. Il existe une différence entre savoir comment faire (skills) et savoir quoi faire (Knowledge). Accumuler des connaissances sur les ouvertures, les finales, etc., est utile jusqu'à ce que ça aide à savoir comment jouer l'ouverture et la finale et cette transition ne se fait pas automatiquement. La réalité est que vous avez à bouger les pièces autour de l'échiquier et à jouer avec la position. Qui fait ça ? Les amateurs ne font pas ça, les grands-maîtres, oui... 

Un conseil de l'auteur : acheter une pendule d'échecs (NDT : personnellement, je préfère le sablier de William, plus visuel) ; se procurer une data-base ou un livre ; sélectionner une position qui vous intrigue, avec la source pour avoir les réponses ; réfléchir pendant 20 mn ; comparer vos idées avec celles proposées. La source idéale est une position où la solution n'est pas complètement concrète, comme une vraie partie. Rowson en stage chez le GM Artur Yusupov n'a fait que ça : 30 positions analysées en 5 jours. La partie suivante Rowson vs Yermolinsky (Philadelphia 2002) eut lieu 3 semaines après le stage avec Yusupov.
Trait aux Blancs 

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