Aveuglement

Acte I

L'idée de ce billet est venu des moments "d'aveuglement" survenus lors du Tour d'Eure-et-Loir et du tournoi Interne, où un joueur, parfois même les deux, après avoir passé du temps à calculer une variante, oublie(nt) un coup "évident".

Acte II

>> Partie Deep Fritz vs Kramnik (2006)   34…De3?? 35 Dh7#

Conférence de presse de Kramnik : "En fait, il ne s'agissait pas seulement du dernier coup. J'ai calculé cette ligne très longtemps à l'avance, puis j'ai recalculé. C'était très étrange, une sorte de black-out. Je me sentais bien, je jouais bien, je pense que j'étais beaucoup mieux. J'ai calculé la ligne plusieurs fois en re-vérifiant. J'avais déjà calculé cette ligne quand j'ai joué 29...Da7, et après chaque coup je recalculais, encore et encore, et finalement j'ai fait une erreur de mat en un. En fait, c'était la première fois que cela m'arrivait, et je ne trouve pas vraiment d'explication. Je ne me sentais pas fatigué, je pense que j'ai bien calculé pendant tout le match..... C'est juste très étrange, je ne peux pas l'expliquer."

>> la perception visuelle de Kramnik

Acte III

>> Galerie de gaffes de parties de grands maîtres

Effet tunnel : focalisation sur une partie de l'échiquier et/ou sur un "rôle" à jouer (je suis en train d'attaquer ; je suis en train de défendre)

Image résiduelle : la position qui reste en mémoire après le calcul d'une variante est différente de celle de départ, avec possibilité de télescopage des deux.

Géométrie de l'échiquier : les déplacement "longs" sont plus difficiles à voir que les "courts" (ex : un Fou ou une Tour qui change d'aile) ; les mouvements horizontaux de pièces lourdes sont plus difficiles à voir que les verticaux, particulièrement dans leur propre camp (ex : une Tour qui coulisse sur sa 3ème rangée) ; les mouvements en retrait sont plus difficiles à voir que ceux vers le centre (en particulier les mouvements de Cavaliers)

Analogie guerrière du jeu : les coups d'attaque vont vers l'avant, les coups de défense vont en repli. Le contraire peut être vrai aussi.

Patterns inhabituels

Acte IV

La règle de Blumenfeld :

"Il arrive souvent qu'un joueur effectue un calcul profond et compliqué, mais ne parvient pas à repérer quelque chose d'élémentaire dès le premier coup. Afin d'éviter de telles erreurs grossières, le maître soviétique Benjamin Blumenfeld a fait la recommandation suivante : Lorsque vous avez terminé vos calculs, notez le coup que vous avez décidé sur la feuille de partie. Ensuite, examinez la position pendant une courte période au travers des yeux d'un "patzer". Demandez vous si vous avez oublié un mat en un, ou si vous avez laissé une pièce ou un pion en prise. Ce n'est que lorsque vous vous êtes convaincu qu'il n'y a pas de catastrophe immédiate pour vous que vous devriez joué le coup planifié." Alexandre Kotov

Malheureusement, depuis 2005 le règlement de la FIDE impose de jouer avant de noter. À chacun de trouver sa routine de remplacement : fermer les yeux deux secondes ; regarder l'échiquier à coté de soi et revenir au sien ; se placer derrière son adversaire pour voir l'échiquier de son "point de vue" ; etc. Je ne pense pas qu'il y ait un moyen d'éviter complètement ce type d'erreur, mais il est possible d'en minimiser le nombre.

Epilogue

Quand vous savez ce que vous savez
une case est une case, un fou est un fou, un cavalier est un cavalier et un pion est un pion.
Quand vous commencer à désapprendre
il y a des cases centrales, des bons fous, des cavaliers à la bande et des pions doublés.
Quand vous ressentez le bénéfice du désapprentissage
une case est de nouveau une case, un fou est de nouveau un fou, un cavalier est de nouveau un cavalier et un pion est de nouveau un pion. (aphorisme Zen détourné)